Fermeture de l'aeroport de Benslimane: Analyse d'un expert


Par ALM, le 28 Mai 2006

Ahmed Ennaji, ancien directeur technique de l’Office national des aéroports (ONDA), analyse la dernière décision des autorités compétentes de procéder à la fermeture de l’aéroport de Benslimane. Point de vue d’un expert.


L'autorité administrative en charge de l'aviation civile a retenu au mois de décembre dernier de réactiver la plateforme aéroportuaire de Ben Slimane. L'ONDA,  qui s'est vu déléguer la prédisposition de cet aéroport pour recevoir le trafic aérien  s'est attelé à l'ouverture d'un bon nombre de chantiers avec l'objectif d'une mise en service dans un délai record.

Si l'engouement  et l'engagement constatés, des équipes en charge du suivi des travaux, témoignent d'une certaine détermination pour réussir un tel défi, il est à craindre que les objectifs ne soient pas au rendez vous ou tout au moins que la facture ne soit pas en proportion selon les normes régissant des projets similaires qui ont vu le jour dans des conditions réalistes.



En effet, l'importance de ce projet impliquait, après en avoir vérifiél'opportunité et la faisabilité, la réalisation d'études appropriéespour définir  la nature de l'activité et des services, la typologie dutrafic escompté à la mise en exploitation, son impact surl'environnement aéronautique et ses perspectives de développement àmoyen et long termes.

Cette approche aurait permis dedéterminer et de planifier les actions d'équipement et de travaux enfonction des besoins réels et en conformité avec les normes et lesrèglements en vigueur,  régissant les activités aéronautiques etaéroportuaires. Or, force est de constater que la stratégie desdécideurs  semble être dictée par une logique différente qui ne manquepas d'interpeller plus d'un citoyen pour peu qu'il s'intéresse àl'activité.
Les appels d'offres lancés dans la précipitation surla base de documents génériques  ont  permis de lancer certains travauxqui se sont avérés inadéquats et ont dû être arrêtés et réaménagés encours de réunions de chantier improvisées.

L'absenced'études techniques spécifiques à la base d'une part, et lescontraintes de délais d'autre part, ont conduit à sacrifier lesprincipes d'ordonnancement des opérations de constructions etd'équipement et ceux du respect de la conformité aux spécifications etdes clauses contractuelles. C'est ainsi que parmi d'autres priorités,le marché concernant la fourniture et l'installation de l'équipement deradioguidage (VOR a été adjugé sans détermination préalable descoordonnées géographiques ni réservation du site de son implantationpour tenir compte de son intégration dans les procédures réglementantl'espace aérien de la région (TMA Casablanca).

Lemarché du balisage de nuit des aires d'approche et d'atterrissage a étépassé sur la base d'un équipement standard, type calvert, sur 900mètres avec 120 projecteurs hors sol en amont de la piste avion quioffrait au départ une longueur de 3000 mètres avec une entrée béton néeau niveau de la zone de touchée à l'atterrissage.  D'autres marchés ontété parallèlement lancés pour la construction d'une centrale d'énergiepour l'alimentation électrique des différentes composantes del'aéroport ainsi qu'une tour de contrôle provisoire mobile. Il eut étésurprenant que les services d'exploitations ne se manifestent pas, cardès le lancement des premiers travaux, les options engagées ont étécontestées, ce qui a donné lieu à une remise en cause des solutionsretenues et à une pondération des ambitions en termes de performance etde délais.

En effet, à défaut d'avoir défini un siteapproprié pour l'installation du VOR, ce dernier a été implanté sur lesegment de l'entrée de piste et dans l'alignement des feux d'axed'atterrissage. Le recours à cette option a eu pour conséquence desupprimer l'équipement de balisage lumineux type calvert par uneinstallation simplifiée réduite à 27 feux et répartis sur 420 mètresseulement. De plus, pour des raisons de franchissement de cet obstacle,la piste a été amputée des premiers  250 mètres correspondant à la zonerenforcée de touchée des roues à l'atterrissage. Le balisage de nuit decette zone de manœuvres est également été profondément reconfiguré,compte tenu des sujétions opérationnelles. Si l'on considère qu'àl'instar des aéroports de Rabat, Tétouan, Essaouira, le VOR en questionpouvait bien être situé dans l'enceinte de l'aéroport , mais en margede la pisted'atterrissage selon les spécifications dictées parl'Organisation de l'aviation civile, les désagréments imputables à lasolution retenue auraient été évités. Ces désagréments sont avant toutd'ordre technique:

a) Le guidage du VOR àl'atterrissage est interrompu lors du passage de l'avion dans le cônede silence (60° à la verticale de la station).

b)Cette situation n'est pas appréciée par les pilotes encoursd'atterrissage et notamment dans le cas d'une remise des gaz avec uneréinsertion dans le trafic de la TMA de Casablanca.

c)Le franchissement du VOR constituant en son site actuel un obstacle«mince» dans la trouée d'atterrissage engendre le déplacement, en aval,du seuil d'atterrissage et donc l'abandon d'une bande de la piste,réduisant d'autant les potentialités offertes par l'infrastructureexistante au départ.

d) Par ailleurs, une implantationplus centrale du VOR aurait permis de coller au mieux aux  engagementscontractuels des marchés concernés, voire d'optimiser certains itemstels que les raccordements aux réseaux d'énergie et de communicationshotline. La construction d'une nouvelle centrale d'énergie, lafourniture d'une tour de contrôle mobile provisoire et des équipementsradioélectriquesdu VOR ont exigé  des délais de fabrication que lescahiers des chargesn'ont pas pris en compte.
 
Il enest découlé qu'à défaut de respect des délais contractuels, dessolutions de substitution ont été envisagées, telles que leredéploiement de matériel destiné initialement à d'autres aéroports, laréhabilitation temporaire d'anciens bâtiments et le recours à desunités portatives de liaisons radio pour assurer le contrôle du traficaérien. Cette initiative qui aurait du prévaloir avant la conclusion depromesses contractuelles intenables, permettra tout au plus, dans laphase actuelle, de disposer des aires de mouvements à l'exclusion detoute installation technique ou d'accueil des exploitants.
 
Lelancement, dans une deuxième phase, de la construction, dans des délaisraisonnables, d'un bloc technique avec une tour de contrôle normaliséeet d'une aérogare d'accueil d'une part et la mise à jour des procéduresrégissant la navigation aérienne et l'évolution des avions dans la TMAde Casablanca d'autre part, conditionne en fait la vraie échéance demise en service de l'aéroport. Du reste, une identification préalabledes besoins et une programmation réaliste de leur satisfaction auraientété souhaitables afin d'éviter les déperditions regrettables desénergies et des fonds publics.
 
Puisse donc malgrétout que ce nouvel équipement, une fois disponible contribuereffectivement à l'essor espéré pour le secteur dans le cadre desorientations de développement qui ont été tracées par les hautesinstances du Royaume.

Dans l'attente, gageons quel'ONDA, après l'annonce publique de sa ferme volonté de changer destratégie, saura renouer avec l'adéquation des mesures etl'optimisation de ses actions.

Par Ahmed Ennaji
  Directeur technique de l'ONDA à la retraite

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