L'avion 'indétournable'


Par Reuter, le 19 Septembre 2006


Depuis le 11 septembre 2001, à l'aube des attentats déjoués en Grande-Bretagne, les aéroports ont renforcé les mesures de sécurité mais ces scientifiques travaillent à ériger une "ultime barrière aux attaques" contre des avions en vol.

Le dispositif en question intègrerait un système informatique permettant de détecter le comportement suspect d'un passager ainsi qu'un système anti-collision, corrigeant automatiquement la trajectoire de l'avion s'il se dirigeait sur un immeuble ou une montagne.

Les chercheurs envisagent également de développer un ordinateur embarqué qui guiderait automatiquement l'avion vers l'aéroport le plus proche en cas de détournement, un système qu'ils n'imaginent cependant pas être opérationnel avant quinze ans.

"Vous n'obtiendrez jamais un niveau zéro de menace", explique le coordinateur de ce programme, Daniel Gautier, de SAGEM Défense Sécurité, une filiale du groupe Safran. "Mais vous pourrez les rendre très, très difficiles à détourner".

AVION INTELLIGENT

Ce projet de quatre ans, baptisé SAFEE (Security of Aircraft in the Future European Environment) et lancé en février 2004, est doté d'un budget de 35,8 millions d'euros. Airbus, ses maison-mères EADS et BAE Systems, mais aussi Thales et Siemens AG participent au projet, auquel la Commission européenne contribue à hauteur de 19,5 millions d'euros.

Selon Omer Laviv, de la compagnie israélienne Athena GS3 qui collabore à SAFEE, le système pourrait être commercialisable entre 2010 et 2012.

Les avions équipés de SAFEE seraient dotés des technologies suivantes:

- un système d'étiquettes à puces permettant le lien entre un passager et ses bagages pour s'assurer qu'ils sont chacun à bord et éviter au personnel de bord de compter manuellement les voyageurs

- des caméras aux comptoirs d'enregistrement et à l'entrée de l'avion, pour contrôler biométriquement que la personne montant à bord est la même que celle qui s'est enregistrée

- un "nez électronique" détectant sur les passagers d'éventuelles traces d'explosifs

- un système embarqué de détection de menace (OTDS, Onboard Threat Detection System) croisant des informations obtenues grâce à des capteurs audio et video répartis dans la cabine pour détecter tout comportement suspect d'un passager

- un système d'évaluation et de traitement des menaces (TARMS, Threat Assessment and Response Management System) pour réunir les données et proposer au pilote une réponse appropriée

- un système de protection des communications, y compris entre le cockpit et la tour de contrôle - une porte de cockpit sécurisée grâce à un système biométrique. Les membres d'équipage seraient autorisés à entrer après identification de leurs empreintes. Une caméra permettrait au pilote de vérifier que la personne n'entre pas sous la contrainte.

- un système anti-collision automatique pour corriger la trajectoire de l'avion s'il dévie de celle autorisée

QUESTIONS ETHIQUES

Le système TARMS aurait, dans le cas du 11 septembre, repéré que l'avion allait percuter une tour et, grâce aux capteurs biométriques, vérifié si le pilote était bien aux commandes.

"Si un terroriste est aux commandes ou si un pilote ne se rend pas compte qu'il a pris une mauvaise trajectoire, le TARMS décide d'éviter l'obstacle", a expliqué Gaultier.

Etant donné la complexité du projet, SAFEE soulève des questions éthiques, elles-mêmes un point clé de la recherche.

Par exemple, les passagers accepteront-ils d'être observés minutieusement pendant toute la durée du vol par des capteurs enregistrant tout, de leurs conversations jusqu'à leur passage aux toilettes?

Les chercheurs, entourés d'agences de sécurité et de psychologues comportementalistes, consignent dans une base de données les traits potentiellement suspects que l'ordinateur devrait détecter.

"Ce peut être quelqu'un qui utilise son téléphone portable quand il ne devrait pas, ou qui essaie d'allumer une cigarette. Mais cela peut aussi être quelque chose de beaucoup plus dangereux, comme un terroriste potentiel", a expliqué James Ferryman, scientifique à l'Université britannique de Reading qui travaille sur le projet SAFEE.

La sensibilité du système pourrait être ajustée en fonction de facteurs tels que le degré de menace, a-t-il ajouté.

Le coordinateur du programme Gaultier concède que le système pourrait générer de fausses alertes, mais précise que l'équipage et le commandant garderaient le contrôle en dernier recours, décidant de la réalité de la menace. Les chercheurs sont néanmoins persuadés que les passagers accepteront un compromis entre le respect de leur vie privée et leur sécurité.

"Nous devons montrer que ce n'est pas 'Big Brother' qui vous observe, mais 'Big Brother' s'occupe de vous," a expliqué Ferryman.

S'il est encore trop tôt, selon les chercheurs, pour estimer le prix du téléguidage d'un avion avec SAFEE, ils travaillent étroitement avec un groupe d'utilisateurs potentiels, dont des compagnies aériennes telles qu'Air France-KLM.

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